Les Maîtres de l'Orge

La Martinière est une ancienne Ferme Brasserie dont les origines débutent au 18é siècle. A travers les épreuves du temps, les familles qui y vécurent, participèrent à son évolution et à l'histoire locale. 

De 1763 à 1880

Inscrit au régistre paroissial de Raches, Philippe-Auguste-Marie BUTRUILLE est né à Warendin le 23/08/1763.
Il avait une soeur Rose et un frère Noé. Son père Nicolas BUTRUILLE (1738-1775) était brasseur à Rotz (Roost-aujourd'hui). Sa brasserie appelée « Saint-Martin » se situait face à l'église (une chapelle au 267 rue jean moulin).
Au décès de son père, sa mère Rose-Françoise-Félicité DAPVRIL (1738- ?) est contrainte de gérer l’exploitation familiale de Warendin (notre ferme). Philippe fit ses études secondaires à Douai après lesquelles il fut employé chez le notaire de Raimbeaucourt.

A 20 ans, le 27/02/1783, Philippe BUTRUILLE épouse Marie-Gabrielle PINQUET (1760-1807) fille de Ferdinand-Joseph PINQUET (1735-1797) agriculteur à Rotz. Il reprend la ferme natale de Warendin et crée sa brasserie "Saint-Martin" en mémoire de son père. De cette union naquis 7 enfants, Nicolas, Rose, Célestine, Pélagie, Clotilde, Cécile et Auguste.

A la révolution, il fut le premier notable du village qui comptait 723 habitants. Loin de la terreur qui sévissait à Paris, 1790 à 1800 fut avec les 2 guerres mondiale les périodes les plus noires de l’histoire de notre village. La révolution brisa les familles, bouleversa les structures sociales, la guerre contre les Prussiens de 1792 réclama son quota d’hommes. Les biens de l’église confisqués sont vendus aux enchères vers 1793 et profitèrent aux plus aisés des hameaux. Durant ces 10 années révolutionnaires ¼ de la population de Rotz et Warendin succombèrent et 1/3 vivait dans la misère.

La bourrasque révolutionnaire passée, le calme revient. Mais les vielles discordes entre villages ressurgissent et s’installe une querelle de pouvoir pour une accession à la modernité des villages. En effet les 2/3 des surfaces sont des sols tourbeux impraticables, les routes sont fréquemment inondées, et l’unique église moyenâgeuse de Rotz ne convient plus pour accueillir les paroissiens de nos 2 villages. Cette période d’unification s’achèvera vers 1830 date d’achèvement de l’actuelle église Saint-Martin et de son presbytère au centre du nouveau village « Roost-Warendin » rue Brossolette. Puis à la suite s’ouvrent en 1938 l’école des garçons, la maison du peuple et pour finir l’école des filles en 1840.

Durant ces 40 années Philippe BUTRUILLE aura 3 mandats de maire, et fut juge de paix du canton ouest de douai à partir de 1794. il résidera à Douai rue du pont des pierres.

Sa 4 éme fille Clotilde-Gustine (1791-1857) épousa le 17/07/1816 Jean-Baptiste BERNARD (1778-1857) né à Orchies de parents Brasseurs. Ainsi ils héritent de la ferme-brasserie de Roost-Warendin. Leur fils Edouard BERNARD (1809-1894) leur succédera.

En plus d’être Brasseur, Jean-Baptiste et Edouard cumuleront à eux 2, 3 mandats de maire de 1823 à 1894. Philippe décéda le 14/06/1830 à Douai à son domicile rue du pont des pierres. Il fut inhumé selon son souhait au nouveau cimetière Saint-Martin en témoignage de son attachement à son village. Un obélisque y fut édifié en symbole d’unification de Rozt et Warendin. Son gendre et son petit-fils reposent avec lui.

En 1823, et à la vue du cadastre napoléonien de 1829, la brasserie BUTRUILLE-BERNARD était située au centre de la ferme. Lieu de chauffe, cet emplacement limitait la propagation d’éventuel incendie au reste des bâtiments de la ferme-brasserie fortifiée. On y trouvait 2 chaudières d'une contenance de 30 et 20 hl. A proximité 2 puits d’une profondeur de 8 m alimentaient en eau les besoins de la brasserie. En 1842, elle était l’une des plus importantes du Douaisis (Elle figurait avec cheminée fumante sur un plan aquarelle de la ville de Douai de 1842). Elle produisait plus de 1.400 hl de forte bière vendu 0,11 F le litre, et 260 hl de petite bière à 0,03 F le litre. Elle employait deux ouvriers.

L’orge issue du terroir est la matière première pour la fabrication de la bière. Le processus de fabrication est simple. Première étape : la fabrication du malt ; les grains humidifiés, maintenus à l'obscurité, aérés et chauffés à 25 0 commencent à germer. Au stade peu avancé, la germination est stoppée par dessiccation ; les radicelles sont séparées du grain ; la fécule est alors transformée en glucose : le malt est prêt. Concassé, mêlé à une certaine quantité d'eau, il est cuit dans des cuves et vigoureusement brassé. Au fond des cuves se dépose un résidu appelé « drèche », tandis que le moût est aromatisé avec des plantes amères (houblon, buis, racine de gentiane). Laissée à fermenter après dépôt de la levure, la bière est mise en tonneaux de 80 l ou rondelles de 158 l. 35 kg d’orge fournit 100 l de bière.

La houille fut découverte en 1848 à Roost-Warendin qui comptait près de 800 habitants. En 1850 la fosse n°1 de l’Escarpelle produisait 8.000 hl et en 1852, 29.000 hl pour 80 mineurs. La fosse n°9 débuta en 1908. Employant une main d’œuvre extérieure à notre village étrangère et notre population comptait 2738 habitants en 1906. Une aubaine pour nos brasseurs.

En 1861 Edouard BERNARD engagea des travaux d’agrandissement de sa brasserie pour satisfaire la demande croissante en bière. En 1966, et après 5 années de travaux la brasserie Saint-Martin réapparait au cadastre. En face son cousin Ferdinand-François Joseph PINQUET (1803-1878) doubla l'exploitation de sa terre et de sa brasserie. La bière de ces brasseries est estimée à 3.150 hl. Une telle quantité ne pouvait être absorbée par la seule population du village (823 habitants). Or elle s'ajoute aux 37 brasseries du Douaisis. La consommation de bière par famille était de 4 pintes par jour et explique la prolifération des débits de boissons : 50 cabarets à Roost-Warendin en 1900 soit un cabaret pour 50 habitants. Peu à peu, la chope de 1/3 de litre a remplacé la pinte (1/2 litre) pour le même prix !

Sans successeur direct, Edouard BERNARD transmis sa brasserie a son petit cousin Edouard Joseph CAUDRELIER (1843-1898) fils de Jean-Baptiste. Marié à Zoé Sidonie Marie DRAPPIER (1848-1917), il fonda la Brasserie Malterie Edouard Caudrelier en 1880. En 1882 il acquière la Maison et la ferme au 422 rue jean Jaurès attenante à la brasserie. Une complicité existait entre ces 2 hommes, puisque en 1894 Edouard Joseph CAUDRELIER reprend pour 1 mois le mandat de maire d’Edouard BERNARD qui succomba le 5 mai 1894 à son domicile au 560 rue jean-jaurés.

de 1880 à 1940

En 1900, Edouard Joseph Baptiste CAUDRELIER-fils (1874-1945) crée la S.A. Brasserie coopérative Saint-Martin pour une durée de 20 ans. Étant directeur avec un bureau de 12 administrateurs, la S.A. fit appel à la population en émettant 3200 bons de souscriptions de 100 F afin de financer une seconde tranche de travaux qui donna l’aspect actuel à notre brasserie. En 1912 l’aile de réception et de stockage de l’orge est agrandie, une cave moderne avec poutrelles aciers et hourdis doubles les anciennes voutées en brique. En 1920 la S.A. reconduit ses statuts pour 20 ans. En 1927 elle produisait 13.000 hl de bière en tonneaux et commercialisait des vins et spiritueux en bouteille.

Si à cette époque, une partie de la fabrication de la bière était consommée en famille par tonneaux de 30, 50 et 75 litres, la presque totalité était livrée dans des estaminets partenaires à la brasserie en tonneaux de 100, 150 et 170 l transportés sur charrettes tirées par des chevaux. il faut ajouter qu’à ce moment-là toutes les festivités s’organisées au café. La bière y était tirée à la pompe à bras et était en fermentation haute cette technique impliquait une fermentation de 18° C durant une période courte.

Après 1936 les brasseries se sont équipées pour fabriquer la bière a fermentation basse, c’est-à-dire à une température de plus de 10° C pendant 8 jours suivie d’un séjour en cave de garde durant au moins un mois à 0° C. Ce procédé permis d’améliorer considérablement la qualité des bières : mousse, brillance, couleur et goût. Face à cette maitrise le conditionnement évolua en bouteille à bouchons mécanique. Ce fut le projet de 4 brasseurs du Douaisis qui créâment les enfants de gayant en 1919 : fusion des brasseries MARRONNIER, BELLE et DELFOLIE à Douai et Jean-Baptiste CAUDRELIER-DEPARIS (1865-1933) 853 RN à Raches actuellement le restaurant « les salons du château blanc du BZH. A ce jour nous ne connaissons pas de lien de parenté avec Edouard Joseph CAUDRELIER-DRAPPIER de Roost-Warendin

Cette innovation brassicole pesa certainement sur le devenir de notre Brasserie. L’arrivée de la seconde Guerre mondiale, lui donna le coup de grâce et la coopérative qui sera mise en liquidation le 30/06/1940.

de 1940 à nos jours

La même année la brasserie, la ferme et l’habitation sont vendus à Constant Pierre Edouard Achille Joseph FIEVET (1886-1967), arrière-petit-fils de Philippe BUTRUILLE. Brasseur à Roost-Warendin dans la Brasserie FIEVET-PINQUET qui se situe aujourd’hui au 293 rue jean Jaurès, il était aussi agriculteur à Masny et il envisager l’installation de son second fils Alain (1927-2007) sur de Roost-Warendin. En 1945, son fils ainé Jacques (1923-1945), promis à la ferme familiale de Masny, décède à la guerre. Alain fit le choix de rester à Masny. En 1950 la charpente du bâtiment secondaire au stockage de l’orge fut offerte pour la construction de la toiture de l’église Sainte Ritha à Belforiere. Sans toiture les murs et les caves se transformèrent en ruine.

En 1953 les bâtiments furent repris par mes grands parents Maurice-Cornil-Joseph DEVELTER (1890-1960) et Elise-Florentine-Joséphine MASSCHELIEN (1896-1985) agriculteur à Bersée au 59 rue du Pavé. Son fils unique Albert-Joseph DEVELTER 1930-2017 leur succéda avec son épouse Hélène-Rosalie BERNARD (1929-2017). La ferme était en polycultures sur 45 ha avec un troupeau laitier de 50 vaches laitières.

En 2000, son petit-fils Philippe repris le flambeau avec le projet de sauvegarder les bâtiments en désuétudes de l'ancienne brasserie. La Ferme fut baptisée "La Martinière" en mémoire du saint patron de la brasserie : Saint-Martin.
Dans l'ancienne écurie il y réalisa sa maison en 2003 en fond de cour du 400 rue Jean-Jaurès.
En 2007 la malterie fut transformée en gîtes "Le Germoir" et "La Brasserie".
En 2017 l'ancienne maison du 410 rue Jean-Jaurès fut aménagée en gîte sous appellation "La Dépendance".

Philippe est à ce jour agriculteur céréalier où l'orge produite est tronquée en lits pour en faire des locations meublées homologuées Gites de France. Une nouvelle histoire que nous vous invitons à vivre chez nous...

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